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Les Princes de la Toundra

Dernière mise à jour : 1 févr. 2020

Par Louis Le Maître


La Sibérie, immenses terres à l’hiver intense et à l’éternelle nuit. De l’Oural, elle traverse grandes plaines et fleuves, monts aux sommets dans le ciel, hauts déserts et lacs profonds. Du Nord par le début de l’Indlansis, la calotte polaire, ce sont les glaces perpétuelles. Aussi au Nord, la Toudra étend ses plaines à la terre gelée couverte de quelques plantes et arbustes résistants. Et au Nord, la Taïga élève ses majestueuses forêts bravant vents, gelées et neiges. L’ensemble de ces terres sont bercées par les couleurs grandioses des aurores boréales.


Au milieu de ces biomes, le renne, superbe animal, symbole et grand esprit pour les peuples habitant les terres de glace. De ces peuples, un en particulier, le peuple Nénètses (humain vrai, en leur langue), habite sur le territoire appelé « District Autonome de Nénètsie », ils se comptent à plus de 42 000 humains. Très nomades pour beaucoup, ils se déplacent en traîneaux et dorment dans un ‘tchoum’, tipi de bois et de peau adroitement démontable, ils restent quelques jours par endroit. Cette mobilité est due au renne, l’animal rythme, caractérise et nourrit leur vie. Ils en sont éleveurs et les suivent selon leur mouvance qui se définit par le lychen, végétal très présent dans la région et principale source de leur alimentation. Avec des centaines voire des milliers de rennes, les familles Nénètses se meuvent s’aidant de chiens husky ou samoyède, comme fidèles amis du froid, et pour chercher et rassembler les rennes. La pêche, la chasse et l’achat complètent leurs activités et leur alimentation. La cellule de base des Nénètses, après l’individuel est la famille, qui accompagne l’enfant, lui apprend et le nourrit pour vivre sur ces terres. Petit, dormir à même la neige est ordinaire.


Dès six ou sept ans, ses parents l’envoient chercher les rennes dans la forêt et est chargé de les rassembler et de les ramener vers le tchoum pour le départ. Il apprend à suivre les traces, être attentif à son environnement et prudent. Impressionné au début, il développe un respect, une confiance et une véritable admiration pour l’animal, dont la rareté fait la beauté selon les mots de l’un d’eux. Un minimum d’éducation conventionnelle est imposé par le pouvoir officiel de la Fédération de Russie. Quand ils s’y résignent, les Nénètses adaptent leur vie au long de l’année. Les rennes devant vivre plus au Nord, les pères restent avec dans les régions froides tandis que les mères et les enfants descendent pour quelques mois à la lisière des premiers villages sédentaires pour vivre dans des yourtes ou des internats attribués de façon à suivre l’enseignement dispensé.


Ces humains se reconnaissent par une langue, une façon de vivre, une histoire et un environnement en commun mais essentiellement par une énergie, un esprit profond : le Chamanisme. C’est imprégné dans leur vie : des rituels, une thérapie, une philosophie. En entrant dans le tchoum, des objets incarnent leurs ancêtres par essence, qu’ils connaissent sur plusieurs générations. Au lever le matin, la première tasse de thé latté au beurre salé, principale boisson avec le sang de renne, est offerte aux esprits en jetant par cuillère le liquide devant le lieu de vie. La frontière entre nature et culture est inexistante. Le tadybia, chamane femme ou homme, incarne la médiation entre le monde des esprits et le monde terrestre, avec les âmes naissantes et défuntes, mais aussi avec les esprits incarnés dans chaque être vivant et chose sur Terre. C’est un personnage central dans chaque clan Nénètses, c’est un gardien de la communauté, un religieux des âmes, un devin des destins et un guérisseur. Capable d’entrer en une transe par le feu, l’encens, la danse, le chant ou le tambour, il se laisse imprégner de l’énergie de l’esprit pour la guérison. Cette conception est sublimée par leur dieu: Noum, grand Esprit du Ciel et des blizzards. Et Ya Nébya, la Terre Mère, est protectrice des femmes, de la fertilité et gardienne de la famille. Ils en sont les fils. Nga leur opposé, distribue la maladie, la souffrance et la malchance.


Le chamanisme se perpétue en étant bien conscient du Monde, au-delà d’un savoir, c’est une perception qui se transmet de génération en génération. Tout cela se ressent grandement en ce peuple. Les Nénètses sont fiers, malgré diverses problématiques écologiques et sociales, ils persévèrent : ce sont les Princes de la Toundra.

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