par Stéphane Payebien
Actuellement, le Japon se trouve dans une situation improbable vis-à-vis de laquelle de nombreux auteurs débattent sans parvenir pour autant à se mettre d’accord quant à un possible déclin du pays du Soleil Levant. On retrouve ainsi des Nicolas Baverez parlant de « bombe à retardement japonaise » dans le journal Le Monde, et faisant face à quelques Sébastien Lechevalier leur répondant dans le même périodique que « Non, le Japon n’est pas en déclin ».
Or, que le pays dirigé par Shinzo Abe connaisse actuellement le début de son crépuscule ou un simple affaiblissement passager, le fait est qu’il voit au sein même de sa société évoluer les mœurs et changer les mentalités. La question démographique, soulevée bien plus par l’absence de formation de couples que par la diminution réelle du nombre d’enfant par femme, en est un exemple de choix. En même temps, c’est son économie qui doit se transformer afin de suivre cette modification du mode de vie et de développement japonais traditionnel.
Historiquement, une autre période, récente, où la métamorphose de la société civile japonaise a pu être liée à une transition économique quelconque, fut la période de passage de l’époque d’Edo (1603-1868) vers l’ère Meiji (1868-1912), aussi connue sous l’appellation de Révolution ou Restauration Meiji.
Ce phénomène transitoire, abrégé en quelques lignes, voit le Japon opérer un revirement brutal de sa politique étrangère, qui passe d’un isolement marqué des affaires internationales, appelé sakoku (鎖国) à partir du XXe siècle, à une progressive intégration de l’Etat archipélagique dans le système global et l’économie mondialisée.
Alors pourquoi ne pas tenter de comprendre la crise actuelle à partir d’une crise déjà passée, et inscrite dans les manuels d’histoire ? Une transition sociétale historique ne pourrait-elle pas nous permettre de mieux comprendre le phénomène se déroulant actuellement au pays du Soleil Levant ?
Cherchons donc à comprendre les dynamiques sociales qui ont amené à l’ouverture économique du Japon et les conséquences qu’elles ont pu avoir sur la société japonaise entre le milieu du XIXe siècle et le début du XXe, et voyons si la situation actuelle ne présente pas quelques similitudes avec celle-ci.
Une modernisation initiée par l’acier
La modernisation du Japon et son industrialisation ont conduit à une transformation profonde de la société japonaise, notamment dans la société productive et les modes qu’elle emploie. Après l’ouverture forcée des ports japonais par le commodore américain Matthew Perry entre le 8 juillet 1853 et le 13 février 1854, qui se manifeste principalement au travers de la signature du traité de Kanagawa du 31 mars 1854 et par la visite du premier consul américain Townsend Harris en 1856, c’est une adaptation progressive à l’économie d’industrie qui se met en place au Japon.
Mais cette ouverture n’est pas sans conséquences sociales, puisque deux idéologies vont alors émerger, l’une réformiste et en faveur d’une refonte du mode de production japonais, et l’autre conservatrice et attachée au maintien de la traditionnelle société japonaise. L’ouverture japonaise va avoir lieu entre 1853 et 1868, durant la période que l’on appelle le Bakumatsu (幕末), et la fin de cette phase de transition va être marquée par la mise en place de réformes par l’empereur Meji (de son nom originel Mitsuhito).
Sous le règne de cet empereur, jusqu’en 1912, le Japon va entamer un rattrapage économique des pays de l’Occident en employant les mêmes techniques de développement que les Etats occidentaux. L’Etat du Soleil Levant va copier les mouvements industriels ayant lieu en Europe, et tenter de déclencher sa propre révolution industrielle.
La première transformation que l’on retrouve au niveau économique après le Bakumatsu est la création et l’émergence des conglomérats familiaux, que l’on connaît sous le nom de zaibatsu (財閥). Ces entreprises vont asseoir leur importance dans l’économie japonaise au point où elles seront l’une des pierres angulaires de la puissance japonaise dans l’ère Showa, et où leur structure sera par ailleurs modifiée par le général MacArthur lors de son administration du Japon vaincu à partir de 1945, perdant ainsi pour la plupart leur caractère familial.
En plus de ces firmes, on retrouve les critères de développement habituels aux Etats en voie de transition industrielle. L’usage du fer est croissant dans l’économie japonaise de l’ère Meiji. Au tout début de l’ère Meiji, en 1871, la première ligne de voies ferrées est mise en place au Japon, reliant Tokyo à Yokohama. Par la suite, les innovations successives liées à l’industrialisation constante et à l’amélioration des technologies vont permettre de poursuivre l’implantation de chemins de fer dans l’ensemble du pays, tout en poursuivant la quête d’une progression qualitative des locomotives.
En se détachant ici de la dimension politique et sociale sur laquelle on reviendra par la suite, on distingue une certaine évolution dans l’industrialisation japonaise, qui suit une logique en trois phases, et qui permettent de comprendre comment le Japon en est arrivé à un tel rattrapage des puissances mondiales de l’époque.
Initialement, le Japon a entamé sa modernisation avant même l’arrivée du commodore Perry sur l’archipel, et avant la période du Bakumatsu. Dès les années 1850, et à partir des textes occidentaux concernant principalement la construction de vaisseaux, les Japonais vont chercher à reproduire les avancés technologiques occidentales par leurs propres moyens. Cette période, qui est bien souvent surnommée en anglais la période de « Trial and Error », a vu le Japon mettre en place des politiques de développement tout en cherchant à maintenir sa situation de pays isolationniste. Malgré certaines réussites, ce sont surtout des difficultés croissantes pour assurer son autonomie et son isolation que le Japon se découvre alors, l’amenant à devoir reconsidérer sa propre ouverture aux économies étrangères.
La deuxième phase a donc été une phase d’importation, qui a consisté à recevoir des pays occidentaux les technologies qu’eux-mêmes développaient à la même époque au cours de leur révolution industrielle. En un sens, cette période d’acquisition d’un moyen moderne de production est similaire à celui entrepris par l’Asie durant la Guerre Froide. Le Japon des années 1860 opéré envers l’Occident une stratégie similaire à celle des pays émergents mettant en place le vol des oies sauvages depuis 1950.
La troisième étape de l’industrialisation japonaise s’est fondée sur la mise en place d’un réseau électrique au Japon et la transformation des technologies occidentales reçues en des technologies « japonaises », faites afin de répondre précisément à la demande de l’archipel et non plus basée sur les nécessités de l’Amérique ou de l’Europe. Ce moment dans la frise chronologique industrielle japonaise est le tournant qui marque le passage du Japon en tant qu’élève des puissances étrangères à un statut d’égal de ces dernières (ce qui sera vérifié par sa puissance militaire en 1905 après la victoire japonaise sur la Russie). Cette période voit l’avènement des grandes constructions d’infrastructures prévues pour la production du fer et du charbon.
Mais la transition économique ne s’est pas faite sans encombre, et une transition sociale s’est opérée avec elle, malmenant les traditions et emportant dans le sang et les larmes une part de la population japonaise.
Une déstabilisation sociétale liée à l’économie, et la mise en place d’un changement de régime
Les modifications sociétales qui ont lieu au Japon durant la seconde moitié du XIXe siècle sont vraisemblablement encore plus à l’origine du rôle que jouera le Japon dans le siècle passé que le rattrapage économique et technologique qui les a pourtant engendrées.
Avec l’ouverture à l’économie mondiale qui se met en place, c’est un nouveau mode de pensée qui accompagne les réformes économiques et qui vient déstabiliser l’organisation sociale et sociétale du Japon.
A en croire un tableau représentatif de la pyramide sociale sous le shogunat Tokugawa publiée dans un ouvrage d’Edwin O. Reischauer, la structure des classes au Japon avant l’ère Meiji se fondait sur une forte hiérarchisation, intrinsèquement liée au passé tumultueux de l’Etat avant sa formation par les Daimyo au XVIe siècle. On retrouvait en effet en haut de la pyramide le Shogun (qui possédait le pouvoir militaire et se partageait la direction de l’archipel avec l’Empereur (ou tenno, détenteur du pouvoir sacerdotal) et le Régent (ou kampaku, détenteur du pouvoir civil)), suivi des Daimyo puis des Samuraï, qui formaient la classe des nobles (bushi). Ces nobles se distinguaient des roturiers, qui regroupaient les paysans (au sommet des basses classes), les artisans, les marchands et enfin les Eta (geisha, acrobates, lutteurs, etc.). Cette seconde classe, celle des roturiers, regroupaient à elle seule 93 % de la population japonaise de l’époque.
Ce système était fondamentalement lié à la stabilité politique forcée instaurée par les Shogun Tokugawa successifs, qui avaient cherché à assurer la pérennité de leur régime. Après 2 siècles de paix sans conflit majeur interne à la société civile, les modes de pensée voyaient comme acquis leur situation et leur naissance dans l’une des classes, à tel point que l’achat d’une charge honorifique en était devenu une voie normale à l’élévation et à la mobilité sociale (on se souviendra ici encore que le père de Saito Hajime (1844 -1915, capitaine de la 3e unité du Shinsen Gumi) avait acheté sa charge de samouraï). En conséquence, l’ouverture économique et la considération d’un système différent, libéral, et non basé sur un système de classe si hiérarchisé et ordonné, fut pour beaucoup dans la déstabilisation et l’écroulement de l’ancienne structure sociétale.
La première modification sociale, et peut-être celle à l’origine de l’ensemble de l’effondrement du mode de vie traditionnelle, est celle de la répartition des parts dans la production de l’économie nationale des différents secteurs d’activités.
En effet, avec l’industrialisation, le secteur secondaire, à peine naissant, commençait déjà à représenter une production économique équivalente à celle du secteur primaire agricole. Or, le système traditionnel japonais usait des koku (石, soit environ 150 kilos) de riz comme d’une marque de richesse permettant de définir l’appartenance d’une personne à la classe noble ou à celle des roturiers. Les daimyos par exemple possédaient tous plus de 10 000 koku, tandis que les samouraïs représentaient une classe dont les possessions étaient inférieures à 10 000 koku de riz.
Mais avec l’arrivée de l’industrie, la richesse allait pouvoir se mesurer d’une autre manière, et les marchands et artisans allaient probablement être les premiers à en bénéficier. Le Shogun, les daimyos et les samouraïs se sont donc opposés à une réforme de l’économie japonaise et ont au contraire soutenu le maintien de l’agriculture comme la première (et seule !) source de richesse.
A l’instar de l’Europe, le Japon est un pays ayant connu une véritable société féodale à un moment donné de son histoire. Il existe un certain parallélisme entre le développement historique de ces deux zones géographiques. Aussi est-il aisé de comprendre pourquoi la libéralisation de la société (allant de pair avec celle de l’économie) s’est engagée si rapidement au Japon après son ouverture aux marchés européens. Ceux-ci relevaient en effet d’Etats ayant opéré, un à deux siècles auparavant, leur transition sociale, via de nombreuses révolutions, aussi bien pacifiques et juridiques (la Révolution anglaise en exemple) que par les armes (à l’instar de la Révolution française de 1789).
Cette situation « post-féodale » de l’Europe va lui permettre d’ouvrir son économie, tandis que c’est l’ouverture économique du Japon qui va entraîner sa révolution sociale.
En parallèle de ce conflit socio-économique qui se crée sur les croyances quant aux fondements de la société, entre les conservateurs et les néo-impérialistes, on retrouve une confrontation qui naît entre l’Empereur et le Shogun. Ce dernier, en tant que dirigeant militaire du Japon, est supposé protéger et assurer la souveraineté de l’archipel par rapport aux pays étrangers. La fermeture du pays aux étrangers depuis 2 siècles et la soudaine rupture (forcée qui plus est) de l’isolationnisme lié à la société féodale vont délégitimer le rôle du Shogunat et des daimyos. Ils ne sont en effet pas parvenus à défendre le Japon contre les envahisseurs occidentaux, ni à empêcher que l’Empereur ne soit forcé de signer le traité de Kanagawa.
Deux clans importants, ceux de Statsuma et Choshu, vont se rebeller contre l’emprise du Shogun sur le système japonais (qui pourtant était acceptée depuis deux siècles). Avec les samouraïs leur étant loyaux, ils vont tenter de supprimer totalement l’influence et le rôle du Shogun dans le régime japonais. A Kyoto, les partisans du Shogun vont riposter en 1863, ce qui va mettre fin à la longue période de paix du Shogunat, et va amener à la constitution aussi bien d’une armée d’Edo que d’une riposte par les clans dissidents. Le 3 janvier 1868, les clans de Choshu, Statsuma et Tosa annoncent la restauration de l’Empire, quand bien même les combats et les oppositions continuent à avoir lieu, notamment à Hokkaïdo jusqu’au début de l’année 1869.
Mais la mise en place du nouveau régime ne va pas se faire aisément, et c’est après plusieurs balbutiements initiaux que l’instauration de l’Empire s’achèvera. Ce sont alors majoritairement des hommes des clans Satsuma et Choshu qui vont diriger les changements dans cette société, parmi lesquels on retrouve des jeunes d’une trentaine d’année comme Kido, Okubo et Saigo, respectivement de Choshu et de Satsuma, membre de la classe des samouraïs.
L’instauration d’un nouveau système et la démocratisation progressive de la société
La révolution japonaise, que l’on appellera plutôt une restauration, ne s’est pas faite de la même manière que les révolutions européennes, dans le sens où cette révolution s’est opérée par « le haut » de l’ancienne pyramide hiérarchique sociale, à l’inverse de la Révolution française par exemple, entamée par le Tiers-Etat. De ce fait, l’effondrement de la société traditionnelle va se faire sans effusion de sang, ou tout du moins, sans commune mesure avec celles de l’Europe.
Le nouveau régime va être mis en place à partir d’un mimétisme du mode européen, aussi bien dans ses aspects économiques (nous l’avons vu) que dans sa conception politique.
La première transformation sociale se trouve dans l’accès à l’éducation. Dès 1871, un ministère de l’Instruction publique est créé, avec comme objectif fondamental l’assurance d’une éducation possible pour tous les Japonais. Cette avancée sociale requiert cela dit l’installation de nouvelles infrastructures, et l’on voit l’université de Tokyo être construite en 1877. L’Etat a alors un fort contrôle sur l’éducation de sa population, le système éducatif ayant été créé ex nihilo et progressivement étendu à travers le pays, au fil de la construction des infrastructures. On se sépare là donc dès le début du nouveau régime des influences de la religion ou de l’aristocratie, en mettant en place une société plutôt méritocratique. Cela dit, une éducation entièrement contrôlée par l’Etat est également un inconvénient, notamment depuis que les régimes totalitaires du XXe siècle ont montré que le contrôle du système éducatif était un des critères usités pour s’assurer une domination de la société dans son ensemble. Le Japon de l’après restauration Meiji emploie donc déjà les méthodes qui allaient être reprises moins d’un demi-siècle plus tard dans les Etats totalitaires d’Europe, en faisant de l’école un instrument de l’Etat.
D’un autre côté, l’Empire se renforçant se dote rapidement d’une Constitution en 1887, surnommée officieusement la Constitution Meiji. D’un certain point de vue, c’est le peuple japonais lui-même ainsi que l’absence totale d’équilibre établi qui ont conduit à la nécessité de mettre en place cette Constitution. Après deux cent cinquante ans environ de paix interne sous le règne des Tokugawa, la rapide déstructuration de l’ordre social par la réforme sociétale et l’attente depuis une décennie d’un retour à l’ordre social a amené à la considération de la Constitution comme indéniablement nécessaire. L’institution de cette Constitution était d’autant importante qu’elle permit au Japon d’être progressivement reconnu par l’Europe et les Etats-Unis comme une puissance régionale, puis comme une puissance avec qui négocier d’égal à égal à partir du début de XXe siècle et des avancées technologiques et militaires japonaises.
On retrouve dès 1868 la mise en place de structures institutionnelles similaires à celles de l’Occident, comme la possibilité d’une Assemblée nationale suivant les voies démocratiques. Cette année fut marquée par l’énonciation par l’Empereur des Cinq Articles, à l’origine de la constitution de regroupements et d’assemblées de conseil et de délibération. A leur suite vinrent en 1879 les premières élections à des conseils généraux, et en 1880 furent inaugurées les premières élections municipales.
La construction juridique du Japon va se faire à la suite de ce début d’architecture institutionnelle déjà créée. Avec le retrait des assemblées ou la disparition biologique des membres révolutionnaires des clans Choshu et Satsuma, c’est une nouvelle génération de penseur de la réforme qui prend la relève et consacre ses efforts à l’édification d’une unique source de droit et de décision pour le régime. Ces jeunes, que l’on appelle les genrô (元老), pour « Anciens », vont étudier les systèmes constitutionnels européens, en particulier autrichien et allemand, et vont imaginer une forme inédite dans la société japonaise, pourtant déjà utilisée en Europe : le gouvernement de cabinet, placé sous l’autorité d’un Premier ministre.
Le premier gouvernement est ainsi créé en 1885 et voit être nommé comme Premier ministre Hirobumi Itô. On retrouve d’ailleurs à ce moment aussi bien des inspirations françaises qu’allemandes dans les textes de loi écrits afin de servir de base juridique à la nouvelle société.
Mais il faut garder à l’esprit que les personnes à l’origine de la rédaction de la Constitution de l’Empire Japonais restaient des oligarques, tous ayant vécu une partie de leur vie dans le système féodal de l’avant-restauration.
Ils restaient convaincus que leur savoir n’était pas encore à la portée des étudiants sortant des nouvelle universités de l’Empire, et que leur présence aux côtés de l’Empereur ne saurait être abandonnée ni même contestée. Sur ce point, l’Histoire leur donne en partie raison, puisqu’ils sont parvenus à établir un Conseil Privé en 1888 dont le seul rôle était de conseiller l’Empereur directement.
Une nouvelle noblesse est créée, et s’inscrit dans celle survivante de 1869 qui forme le mouvement kazoku (華族) et qui se pérennisera jusqu’en 1947 lors du remaniement du Japon par le général MacArthur.
La promulgation de la Constitution le 11 février 1889 met enfin fin au déséquilibre fonctionnel du Japon, qui retrouve des règles sociétales lui permettant de diriger et d’encadrer sa société. Au niveau purement institutionnel, deux chambres sont créées. La première fonctionne sur le principe censitaire (avec un droit de vote de 15 yen 5, n’autorisant dans les faits que 6 % de la population à voter (soit 450 000 personnes)) et porte le nom de Chambre des représentants. La seconde, dont l’existence est supposée permettre de faire contrepoids à la première, est la Chambre des pairs, qui, réunie avec celle des représentants, forme la Diète japonaise.
Avec la signature d’un traité britannico-japonais le 16 juillet 1894, entraînant la perte (ou plutôt l’abandon) du droit d’exterritorialité de la Grande-Bretagne au Japon, c’est une reconnaissance des puissances mondiales et un nouveau statut que s’octroie le Japon. Ce statut, neuf, va de pair avec la modernisation économique qu’a entamé l’archipel, ainsi qu’avec la métamorphose de sa société civile et de son système interne. La hiérarchisation de sa population entre des castes fortes et des classes faibles, malgré une certaine persistance de la noblesse oligarchique, a fortement diminué et a été remplacée par une société instruite par l’Etat et bien plus libre de ses choix grâce à des institutions calquées sur les systèmes démocratiques européens.
Qui plus est, le Japon devient la première et seule nation de l’Orient à avoir « conquis » par sa propre modernisation et son développement politique et militaire l’égalité diplomatique avec l’Occident.
Conclusion
La Restauration Meiji a débuté avec une ouverture forcée de l’économie japonaise, autrefois fermée au monde et repliée sur elle-même pendant plus de deux siècles. L’arrivée d’Occidentaux sur le territoire change la donne et fait basculer l’Etat dans une succession de métamorphose aussi bien culturelle, sociale, économique, industrielle que politique. Il faut plus de 30 ans au Japon pour pouvoir se stabiliser et entamer un rattrapage des modèles de vie de l’Occident.
En d’autres termes, c’est la fin de la fermeture des frontières (politiques et économiques) de l’Etat qui a entraîné l’ensemble des changements sociétaux internes que l’on a étudiés.
Alors quelle conclusion peut-on tirer de la Restauration Meiji au regard de la situation actuelle ? La situation sociale est telle qu’elle semble faire appel à un remaniement de la société par le politique. En effet, si l’on en croît des auteurs comme Mickael Lesage, l’absence de formation de couple et la baisse dramatique des naissances japonaises devraient pousser le gouvernement japonais à prendre des mesures afin de remédier à ce qui constituerait autrement un déclin aussi bien démographique qu’une diminution considérable de l’aspect de puissance propre au Japon depuis son essor sous l’ère Meiji et industrialisation post-Seconde Guerre mondiale.
Certains pensent que l’ouverture de l’archipel à l’immigration serait une solution à ce déclin démographique engagé depuis le début des années 2000, et qui, si l’on suit la perception des choses de Philippe Mesmer, devrait conduire à la disparition de la population japonaise d’ici l’an 3000…
Mais ce remaniement est-il possible sans engager des réformes politiques, voire institutionnelles ? Si la crise du peuplement que connaît actuellement le pays du Soleil Levant l’amène à ouvrir ses frontières aux travailleurs, voire même tout simplement aux migrants de l’étranger, une telle ouverture (non plus sociale, mais économique) ne serait-elle pas possiblement à la source, une fois encore, d’une transformation de la société japonaise ?
Il nous faudrait peut-être alors aller nous renseigner sur le gouvernement actuellement en place, à savoir celui de Shinzo Abe, et dont les politiques pourraient avoir un impact sur cette dynamique du déclin qui semble avoir démarré au pays du Soleil… couchant ?
Bibliographie/Sitographie :
Edwin O. Reischauer, Histoire du Japon et des Japonais, Tome 1. Des Origines à 1945, pages 95 à 198, troisième édition, Editions du Seuil. Titre original : Japan, Past and Present de 1946 (première édition), révisée par l’auteur jusqu’en 1970 et édité originellement par l’éditeur Alfred A. Knopf (New York, Etats-Unis d’Amérique).
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Philippe Mesmer, « La population du Japon poursuit son inquiétant déclin », le 09/01/2018, Le Monde [ en ligne ] Consulté dernièrement le 25/10/2018. Disponible sur :
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